Vulgahuasca #2 - Microdosage Psychédélique et Trouble de l’attention (TDAH)
Le trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodeveloppemental caractérisé par une dérégulation du système attentionnel qui peut être accompagnée de symptômes d’hyperactivité, d’impulsivité, mais aussi de déficits de régulation émotionnelle, souvent sous-estimés1. Plusieurs études ont lié la régulation émotionnelle à l’empathie, suggérant des mécanismes communs aux deux systèmes2. Les recherches sur l'empathie chez les adultes atteints de TDAH sont rares, mais quelques résultats montrent un impact négatif sur le système émotionnel et l’empathie3. La littérature montre que les traitements classiques proposés face au TDAH ont également un impact positif sur les symptômes émotionnels, mais avec un effet moins important que sur les symptômes attentionnels ou comportementaux4. On sait que les troubles émotionnels peuvent créer des obstacles de taille dans la construction de liens sociaux chez les personnes atteintes du TDAH et justifient la recherche de traitement alternatif.
Dans ce cadre, de plus en plus de personnes souffrant de TDAH rapportent utiliser quotidiennement ou régulièrement des petites doses de substances psychédéliques comme la Psilocybine ou le LSD, pour atténuer voir faire disparaître les symptômes5. Cette pratique est appelée “Microdosing”, et certains résultats suggèrent qu'elle pourrait s’avérer plus efficace que les traitements classiques pour soigner les symptômes attentionnels du TDAH6. En parallèle, une étude contrôlée placebo* à montrer que le microdosage de LSD chez des adultes sains avait provoqué des changements neuronaux en lien avec le traitement émotionnel. L’étude d’aujourd’hui7 est l’une des premières à s'intéresser aux potentiels effets positifs du Microdosage de Psychédélique (MD) sur l’ensemble du spectre des symptômes du TDAH en explorant la dimension émotionnelle de ce trouble à travers deux études :
La première étude pour mesurer l’impact du microdosage psychédélique (MD) volontaire sur les symptômes émotionnels et empathiques de participants atteints de TDAH pendant 1 mois.
La seconde étude pour comparer les effets du MD sur l’ensemble des symptômes du TDAH aux effets de la médication classique d’un groupe contrôle.
Dans la première étude, les participants (n > 200) ont pu s’inscrire sur la base du volontariat et répondre aux différentes enquêtes en ligne tout au long de l’étude. Ce trouble étant souvent mal identifié, le diagnostic officiel du TDAH n’était pas obligatoire mais la sévérité des symptômes à pu être évaluée tout au long de l’étude grâce à différentes échelles, notamment le CAARS-S:SV et un indice TDAH calculé via différents critères dont ceux du DSM-IV. Les effets sur la régulation émotionnelle ont été évalués via des questionnaires et à travers différentes composantes, notamment :
La capacité à réinterpréter une situation qui suscite des émotions (réappréciation cognitive)
La capacité à inhiber les réponses émotionnelles positives et négatives fortes (suppression expressive)
Les effets sur l’empathie ont été mesurés de la même façon, notamment à travers le Interpersonal Reactivity Index mais aussi :
La composante cognitive de l’empathie :
La capacité d’adopter du point de vue psychologique des autres (prise de perspective).
La transposition imaginative dans les actions et les sentiments de personnages fictifs décrits dans des livres (fantaisie).
La composante émotionnelle de l’empathie :
Le fait de ressentir de la sympathie et de l'inquiétude pour les autres (préoccupation empathique)
L'anxiété autodirigée et le malaise dans les situations interpersonnelles tendues (détresse personnelle).
Ces différentes mesures ont été prises à trois reprises : avant le début du traitement, 2 semaines après et 4 semaines après.
Le choix des substances psychédéliques utilisées pour le microdosage était au soin du participant, mais on retrouve une grande majorité de Psilocybine sous la forme de champignons ou truffes (78%), puis les “Nouveaux lysergamides” (12%) et le LSD (9%). Pour des questions d’assiduité aux questionnaires, et score trop bas aux symptômes TDAH, une partie importante des participants a été exclue des analyses. Cependant les résultats restent impressionants.
Conformément à leurs hypothèses, les chercheurs ont pu observer un impact positif du MD sur les différentes mesures liées à la régulation émotionnelle, notamment une amélioration de la réappréciation cognitive et une diminution de la suppression expressive (Figure 1). On observe également deux autres effets significatifs : une amélioration de la prise de perspective (empathie cognitive) et une diminution de la détresse personnelle (empathie émotionnelle).
Figure 1 : Effet du microdosage après 2 et 4 semaines sur la capacité à réinterpréter une situation qui suscite des émotions (à gauche) et le niveau de suppression expressive (à droite)7.
De manière intéressante, le fait que les participants utilisent un médicament TDAH en plus du MD n’influence pas les résultats. Certains aspects, comme la fantaisie, restent inchangés, mais dans l’ensemble les résultats vont dans le sens des chercheurs qui défendent un effet positif global du microdosage psychédélique sur l’empathie et l’émotion.
Pour en savoir plus, ils réalisent une seconde étude avec un groupe contrôle sous traitement classique TDAH afin de comparer les résultats après 2 et 4 semaines entre ceux qui utilisent un microdosage psychédélique (MD) et ceux qui ont leur traitement habituel sur les symptômes attentionnels et émotionnels du trouble. L’effet sur la sévérité des symptômes TDAH est évalué grâce aux échelles mentionnées en début d’article et travers 4 dimensions :
Inattention
Hyperactivité/Impulsivité
DSM-IV total symptômes
TDAH Index
Les mesures pour l’empathie et la régulation émotionnelle sont les mêmes que durant la première étude.
De manière frappante, les résultats montrent une amélioration pour les 4 dimensions de l’attention du TDAH chez le groupe MD, et cette amélioration est significativement meilleure (Figure 2) chez le groupe MD que chez le groupe contrôle (traitement classique).
Figure 2 : Évolution des symptômes du TDAH du groupe microdosage (MD) et contrôle (TAU) entre le début de l’étude (0W) et 1 mois (4W).
On peut noter qu’au début de l’étude (0W), les niveaux de symptômes sont souvent un peu plus élevés dans le groupe MD car le groupe contrôle est composé de personnes déjà sous traitement. Néanmoins les 4 dimensions dénotent d’un effet différencié visuellement impressionnant entre les deux groupes.
L’analyse des résultats sur la dimension émotionnelle et empathique n’a pas révélé d’effet aussi clair. En effet, un effet du type de traitement a été retrouvé dans le niveau de suppression expressive, avec une amélioration plus importante pour le groupe MD, mais pas les autres paramêtres ne révèlent pas de différence significative entre les groupes. De la même manière aucune différence entre les deux types de traitement sur l’empathie n’a été observée.
En conclusion ce papier rapporte des résultats encourageants sur le potentiel thérapeutique du microdosage de psychédélique sur la régulation émotionnelle et l’empathie dans le cadre du TDAH (étude 1) et plus généralement sur l’ensemble du spectre des symptômes, avec un effet significativement meilleur que les traitements habituels (étude 2). Néanmoins, les auteurs n’ont pas observé une amélioration des symptômes émotionnels ou empathiques meilleure dans le MD qu’avec le traitement classique. Comme souvent, d’autres études n’ont nécessaires pour éclairer ces résultats, notamment avec un groupe placébo* afin de mieux comprendre l’effet thérapeutique observé.
Ecrit par Paluga
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